lab rats (ft. julian)

lab rats

Une part de Scott avait voulu y croire, au début. Quand Julian, William et lui avaient été arrachés de leur réalité et catapultés sur la Terre 616, et qu’ils avaient découverts que les homo-sapiens de ce monde n’avaient jamais entendu parler des mutants, le Cyclope s’était lui-même surpris à… espérer. Peut-être que les choses seraient différentes, ici. Peut-être que les humains seraient moins cruels, moins violents. Mais moins de deux semaines s’étaient écoulées avant que les premières agressions anti-mutantes ne commencent à faire les titres des journaux, et Scott avait déchanté. D’une Terre du multivers à l’autre, les humains restaient toujours les mêmes : englués dans leur haine de la différence.

Le petit groupe des mutants désormais présents sur 616 s’était alors attelé à y fonder l’Institut Xavier. Le manoir existait ici aussi, presque exactement comme ils l’avaient laissé dans leur monde d’origine si l’on excluait les niveaux souterrains. Deux ans plus tard, ils avaient même réussi à y reconstruire une version de Cerebro, et un variant de Forge leur avait fabriqué leur propre Blackbird. L’Institut était alors rapidement devenu un refuge pour tous les mutants déplacés par le Blip, condamnés à vivre dans un monde souvent aussi peu accueillant que leur Terre d’origine. Et c’est naturellement que les X-Men s’étaient reformés.

Leur mission de cette nuit fraiche du mois de juin ne concernait pourtant qu’une infime partie de l’équipe – Cyclops et Marvel Boy. La veille, Julian avait alerté Scott de l’existence d’un laboratoire secret pratiquant des expériences sur des mutants. Scott n’avait pas posé de question sur la façon dont son petit ami avait fait cette découverte – il savait pertinemment qu’il n’aimerait pas la réponse. Faire l’autruche quant aux pouvoirs en expansion constante de Julian était devenu l’un de ses passe-temps prédominants.

Les commandes du Blackbird entre les mains, Scott ajusta la trajectoire. « On passe en mode furtif » annonça-t-il en pressant sur un bouton qui coupa toute source de lumière et une partie des moteurs pour réduire le bruit de l’appareil. Ils approchaient de la localisation du laboratoire : un entrepôt isolé sur Staten Island qui ne semblait figurer sur aucune carte officielle. Ils étaient encore assez haut dans le ciel pour éviter d’éventuels radars, mais s’approcher davantage avec le Blackbird représentait un trop grand risque de détection. Ils devraient descendre autrement.

Le leader des X-Men pressa le bouton d’autopilote et se redressa, ajustant par réflexe sa combinaison sombre et sa visière de combat. Sur le champ de bataille, elles représentaient son armure et son épée. Il confirma leur position stationnaire sur l’écran de contrôle et fit un signe de tête en direction de Julian. Le moment était venu. Scott ouvrit la rampe du Blackbird, laissant entrer dans l’habitacle les longues bourrasques glaciales du vent à cette altitude. Ils allaient devoir sauter – et sans parachute.

Scott frissonna, réprimant au fond de sa psyché les souvenirs traumatiques de son enfance. Il n’avait que 10 ans quand l’avion de son père avait explosé en plein vol et qu’il avait dû sauver son frère Alex. Un parachute, deux enfants, et le sol qui se rapprochait bien trop vite. Sa main trouva instinctivement celle de Julian, qu’il serra à en faire blanchir leurs articulations. Il se força à lui adresser un sourire en coin, comme pour lui dire désolé. Julian était probablement la seule personne en qui il avait assez confiance pour faire ce saut dans le vide sans autre sécurité. Il réprima l’envie de l’embrasser comme si c’était la dernière fois, prit une longue inspiration, et lança : « Prêt ? » L’instant suivant, il plongea dans la nuit noire.

lab rats

Deux ans déjà qu'ils vivaient dans cette nouvelle réalité, dans laquelle - encore une fois - ils n'étaient pas acceptés. Au sein de leur univers d'origine, les choses étaient pires. Les Sentinelles massacraient tout le monde sans différencier les adultes des mutants adolescents. Scott, lui et les X-Men s'étaient battus jours et nuits pour sauver leurs frères. Et pourtant. Julian avait enterré de nombreux amis, là-bas, et il s'en voulait. Le professeur Xavier lui répétait constamment qu'il était l'un des mutants les plus puissants de sa génération. Sa puissance ne lui permettait même pas d'apporter la paix aux siens, alors à quoi bon ?
Sans Scott, Julian aurait baissé les bras depuis longtemps, balayant les idéaux du professeur sans sourciller. Par parce qu'il n'était pas prêt à se battre jusqu'au bout, mais parce qu'il n'avait plus de larmes à verser pour pleurer les morts qui s'entassaient au nom de la folie humaine. Son petit-ami y croyait encore, alors il s'accrochait, sans se soucier de l'angoisse qui envenimait de plus en plus son sang bouillonnant. Le jeune homme pressentait qu'une catastrophe s'annonçait, tapie au plus profond de lui.  Elle griffait sa conscience, comme pour s'échapper de ce corps qui l'emprisonnait instinctivement. Julian avait peur pour Scott, à qui il ne voulait pas faire de mal. Mais surtout, il ne voulait pas le perdre. Scott et lui, c'était inscrit dans les étoiles.

L'institut trônait toujours fièrement dans la banlieue de la grosse pomme, plus imposant que jamais. Le manoir était son refuge depuis toujours et la prestance des lieux le rassurait comme au premier jour. Tous les mutants n'avaient pas fait le voyage, mais l'endroit accueillait tout de même quelques têtes blondes qu'il s'était juré de protéger.
La veille, lors d'une nuit particulièrement agitée, Julian s'était réveillé hors d'haleine, le corps perlant de sueur, des dizaines de voix terrifiées dans l'esprit. Le cauchemar s'était transformé, emportant tout dans un déluge de flammes incandescentes. En se réveillant, Julian s'était surpris à sourire, appréciant malgré lui le sentiment de toute puissance que ses songes avaient libéré dans tout son être.  

Désormais, le rouquin se trouvait dans le Blackbird, les yeux figés sur le visage de Scott, qu'il contemplait avec une fascination presque possessive. Même après tout ce temps, le mutant se délectait de chacun de ses traits. Ils en avaient vécu des choses, tous les deux. Aujourd'hui, ils étaient amoureux comme au premier jour et sa simple présence suffisait à le rassurer. Pourtant, Julian s'obstinait à garder pour lui ce qui le tourmentait. Il n'avait pas envie d'inquiéter le brun, qui avait assez de responsabilités sans y ajouter la menace d'un télépathe psychotique.

Le laboratoire vers lequel le Blackbird se dirigeait ne possédait probablement aucun système de radar, mais l'attitude légèrement paranoïaque de Scott lui arracha un sourire moqueur, qu'il masqua immédiatement derrière une quinte de toux simulée. Julian préférait de loin se prendre une rafale optique de son cher et tendre que de lui avouer qu'il en faisait un peu trop. « Tu m'as habitué à des soirées plus romantiques. » Pendant que Scott s'affairait sur le Blackbird, Julian ajusta sa combinaison en cuir, qui caressait ses formes à la perfection. Il ne savait pas vraiment pourquoi les héros s'habillaient de la sorte. Une interrogation qui s'effaça immédiatement lorsqu'il posa ses yeux sur le costume de Cyclope. Marvel Boy s'avança jusqu'à ce dernier, hochant doucement la tête sans se soucier du vent qui fouettait son visage diaphane. L'appréhension de Scott s'imprima fugacement dans son esprit, qu'il ferma immédiatement. Julian lui avait promis de ne jamais lire dans ses pensées, même s'ils partageaient un lien psychique unique. Les doigts de son coéquipier serraient beaucoup trop les siens, mais il s'en fichait. Il était là pour lui, quoiqu'il arrive. « Toujours prêt à m'envoyer en l'air avec toi. » Petit sourire rassurant avant le saut de l'ange.

Concentré sur leur destination, Julian guida Scott et lui-même en direction du laboratoire, qui se dessina rapidement sous leurs yeux. Légèrement contaminé par la paranoïa de son petit-ami, il se dirigea vers une entrée isolée du bâtiment, dont l'un des murs abritait une caméra. « Tu t'en occupes ? » lança-t-il télépathiquement à Scott avant de les poser délicatement sur le sol. Le roux observa les environs, scannant les environs pour détecter d'éventuelles menaces. « Bizarre, je capte rien du tout. » Soit le laboratoire était vide... soit quelque chose se dissimulait dans l'antre du laboratoire et perturbait ses pouvoirs.

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Les bourrasques fouettaient les joues découvertes d’un Scott en chute libre, la main fermement serrée dans celle de Julian, comme si sa survie en dépendait. Ils tombaient, tombaient… et s’arrachèrent soudain aux lois de la gravité. Il respira lourdement, réalisant qu’il n’avait plus inspiré depuis son saut. Nerveux, le mutant se repassa les dernières paroles de Julian pour se forcer à se dérider un peu. Il était reconnaissant envers son petit-ami – pas seulement parce qu’il était présentement la seule différence entre sa lévitation et son écrasement certain contre le sol, mais aussi parce qu’il avait cette capacité unique à adoucir son monde rouge-sang.

La voix de Julian résonna alors entre ses tempes. Même après toutes ces années, ces communications télépathiques n’avaient jamais perdu leur aspect intime. Scott avait ouvert son esprit à Julian comme à personne d’autre, pas même au Professeur. La voix télépathique du rouquin avait la douceur du bourbon, le parfum d’un chêne brulé. Le sentiment était aussi exaltant qu’au premier jour – mais ce n’était pas suffisant pour le distraire de son objectif, à savoir la caméra dont ils approchaient dangereusement le champ de vision. « Je prends. » Il donna une pression rapide sur le côté de sa visière et un court rayon d’énergie quitta ses yeux pour heurter l’appareil, si faiblement qu’il parvint à déplacer l’angle de la caméra pour qu’ils n’y soient plus visible.

Ils achevaient leur descente et Scott lâcha enfin la main de sa moitié pour inspecter rapidement leur environnement immédiat. Pour un prétendu laboratoire top-secret, la sécurité laissait franchement à désirer. « Rien à six heures. » annonça-t-il en réponse à un Julian perplexe quant au silence psychique qu’il ressentait du bâtiment. Il fronça les sourcils sous sa visière, reprenant sa voix normale pour chuchoter : « Restons sur nos gardes. C’est trop calme. » Il localisa l’entrée principale du bâtiment, une longue porte métallique qui pouvait s’ouvrir pour faire passer des camions. Pas l’entrée la plus discrète qui soit. La petite porte dérobée sur le côté de l’entrepôt, en revanche, ferait parfaitement l’affaire. Quelques ajustements sur sa visière lui permirent de rétrécir à cinq millimètres le rayon de son faisceau, qu’il utilisa pour percer la poignée en métal comme s’il s’enfonçait dans du beurre.

Une vingtaine de secondes plus tard, le verrou rendait l’âme et ils purent pénétrer dans… un entrepôt extrêmement banal. Une chaine d’assemblage s’étendait à perte de vue. Scott s’approcha d’une des caisses en bois qui attendait d’être chargée dans un camion le lendemain matin. Il balaya distraitement la poussière qui jonchait le couvercle, dévoilant un simple logo : Essex Corp. Il haussa les épaules – tout cela n’avait pas grand-chose à voir avec le terrible laboratoire que lui avait promis son petit-ami. Ce n’était pas le genre de Julian de se planter aussi royalement, mais ces derniers temps… il n’aurait juré de rien. « Red… T’es sûr qu’on est au bon endroit ? »