seeing red. (scott)

Les responsabilités. Celles d’un frère qui doit protéger le plus jeune de la fratrie Summers. Scott n’avait que 10 ans et était déjà bien habitué aux trajets aériens. Son père, Christopher, était pilote pour l’armée américaine, et avait pris l’habitude de les emmener en voyage. Le ciel était dégagé et les conditions de vol idéales en cette journée d'août où personne n’aurait pu prédire qu’elle marquerait la fin de la famille Summers. Soudain frappé par le tir d’un vaisseau alien, leur avion fut brisé en plein vol. La carlingue ne contenait plus qu’un parachute auquel Scott et son petit frère Alex s’accrochèrent de toutes leurs forces. Pris dans les vents hurlants, le sol se rapprochant de plus en plus dangereusement, les derniers mots de son père résonnaient encore dans ses oreilles. Sauve-le. Ce jour-là, Scott vit rouge pour la première fois. En visant le sol, ses rayons optiques l’aidèrent à ralentir leur descente infernale. Les garçons perdirent connaissance en heurtant le sol, mais ils étaient vivants.

Les responsabilités. Celles d’un orphelin dont le regard peut tuer s’il ouvre les yeux. Scott avait désormais 13 ans, piégé comme un rat dans un orphelinat du Nebraska. Les parents présumés décédés dans le crash, séparé d’Alex et loin de tout ce qui lui était familier, l’adolescent était plus seul qu’il ne l’avait jamais été. Pire que tout, il était enfermé dans le noir de ses paupières serrées – une cécité auto-imposée pour éviter tout risque. Il y avait bien ce directeur de l’orphelinat et ses étranges expériences, ou cet autre gamin et ses attaques fourbes, et leur voix à tous les deux, si similaires qu’il les mélangeait parfois. Scott était trop abimé pour être adopté, trop brisé pour être aimé. Et sur les épaules, le poids écrasant des responsabilités. N’ouvre plus jamais les yeux, Scotty, qu’il s’était convaincu, résigné à finir ses jours dans ce trou à rat. Jusqu’à ce que deux petites voix lui rendent visite, comme directement dans sa tête, pour lui redonner espoir. L’une d’elles résonnant entre ses tempes comme sa destinée.

Les responsabilités. Celles d’un leader, d’un battant, la rage jusque dans les tripes, la tête froide et calculatrice. Scott n’avait que 17 ans lorsqu’il prit la direction de sa première mission spéciale. Recueilli par Charles Xavier deux années plus tôt, l’adolescent avait pu ouvrir les yeux après plusieurs années d’obscurité forcée lorsqu’on lui avait offert sa première visière de quartz rubis. Le professeur avait longtemps essayé de le persuader qu’il pouvait contrôler son pouvoir. Puis il s’était résigné à lui fabriquer ces lunettes après avoir dû remplacer la toiture pour la sixième fois – le traumatisme de ce pouvoir destructeur était ancré trop profondément en lui pour être conquis. Après plusieurs années dans le noir, Scott avait du retard à rattraper, et il était prêt à se jeter dans le tourbillon de la vie tête baissée. Premier élève, premier X-Man, il se laissa modeler par l’enseignant qui lui avait sauvé la vie et dont il buvait les paroles comme celles d’un gourou. Scott serait sa plus belle création, son plus bel exemple d’un monde où mutant et humain pourraient cohabiter.

Les responsabilités. Celles d’un petit-ami aimant prêt à redevenir aveugle pour prétendre que tout va bien. La tête vissée dans le sable pour faire semblant qu’il n’entend pas les cris de détresse de Julian la nuit, quand leur lit flotte dans les airs et que les murs de la chambre tremblent. Tout va bien. Julian va bien. C’est rien d’insurmontable, on a déjà vu bien pire, qu’il se répète quand le papier-peint commence à cloquer sous la chaleur insoutenable qui se dégage du corps endormi de son petit-ami. Y avait-il seulement une alternative ? Scott avait désormais la vingtaine et n’aurait pu imaginer la vie sans son Red. Le garçon qui lui avait redonné l’espoir pour la première fois, dans sa visite télépathique à l’orphelinat. L’adolescent qui l’avait accueilli à bras ouverts quand Scott était arrivé à l’Institut. La première personne sur qui s’étaient posés ses yeux quand Scott avait pu les rouvrir pour la première fois. Son Julian à lui – et son devoir de le garder sain et sauf, quoi qu’il en coute.

Les responsabilités. Celles d’un protecteur aux idéaux abimés, plus déterminé que jamais à agir pour la survie du peuple mutant. Cyclope n’est plus un enfant et les rêves de Charles Xavier ont perdu de leur sublime quand il a vu ses frères et sœurs mutants se faire décimer par la cruauté des êtres humains, sous le regard complaisant des Avengers. Personne n’est jamais venu les venger, ces gamins morlocks descendus par une Sentinelle en plein milieu de Times Square. Oui, Cyclope s’est battu à côté de Captain America quand il a fallu lutter contre Thanos et ses armées – mais il y a bien longtemps qu’il a cessé de respecter ce vieux soldat qui n’a jamais levé le petit doigt pour la cause des homo superiors. Son peuple ne pouvait compter que sur lui-même, et Scott se fit la promesse de ne jamais l’abandonner, sur son monde natif comme sur cette Terre 616, dans laquelle il s’est soudain retrouvé catapulté après le Blip. Bien décidé à protéger les mutants de la cruauté d’un grand public qui découvre pour la première fois l’existence des mutants, Scott se promet qu’il ne fera plus les mêmes erreurs que son père spirituel trop idéaliste. Tendre l’autre joue, c’est terminé. Œil pour œil, dent pour dent.